Rennaissance

-Parc du Manoir des Délices. Il y a 3 jours-

Ca faisait longtemps… ou peut-être pas.

Là où il était dernièrement échappait quelque peu à la dimension rébarbative du temps. Il ne savait plus très bien s’il avait quitté cet univers depuis des heures, des jours ou des années.

Et il était malade.

Nauséeux de cette désagréable sensation que ne connaissent que ceux qui on eut la chance de vivre sans enveloppe corporelle mais qui doivent à nouveau subir la domination des sens. Lui qui avait vécu en pur esprit, absolument libre des contraintes physiques, endurait une fois de plus la plainte incessante d’un corps.
Ceci dit, il l’avait choisi. Il aurait pu réapparaître sous la forme que l’on convient de nommer « spectre » ou « fantôme » mais… c’est d’une banalité. De plus, il le savait mieux que quiconque, ce monde offrait milles plaisirs dont ne peuvent jouir les esprits. Puisqu’il revenait, il comptait en profiter.

Avant tout, il fallait sortir. Le couvercle en acier ne poserait pas vraiment de problèmes, mais les trois mètres de terre enchevêtrés de racines, si.
Il maudit cette foutue tradition qui voulait qu’on enterre les morts.
En temps normal une simple pression mentale sur les molécules qui le séparait de l’air libre aurait suffit à rendre la terre aussi légère que du gaz. Mais il ne lui restait plus assez d’énergie psychique pour ça. Il venait juste de réinsuffler la vie dans un morceau de barbaque pourrie plus proche de l’état minéral que de l’état organique. On ne pouvait pas non plus en demander trop.

Mais…
…il avait un corps. Plus qu’un corps, son corps. Son âme avait laissé son empreinte dans l’enveloppe charnelle et bien qu’altérée par le temps il en reprit aussitôt toutes les commandes ; Sigmon l’éthéré et Sigmon le matériel s’était glissé l’un dans l’autre pour être UN à nouveau.
Et il se souvint de tout ce qu’il avait oublié. Sa nature, son allégeance, son Seigneur, Lucifer et sa plus fidèle compagne, la Colère.
Toute la haine de sa vie et toute celle que son corps avait accumulé explosa dans ses veines. Le plasma infernal, aussi sombre que la puissance de l’Antéchrist pénétra dans chacune ses cellules, décuplant ses forces, aiguisant ses sens.
Jamais il ne s’était sentit aussi fort, aussi omnipotent. Cela ne durerait pas, il le savait ; mais pour le moment, il aurait pu défier Dieu avec la certitude de le vaincre.

Son poing gauche fusa, fracassa la couche de métal et se planta dans la glaise humide. Dans l’infime fraction de seconde qui suivit son bras droit parut doubler de volume. C’est probablement ce qui se produisit.
Le bras hypertrophié frappa, il y eut un impact surnaturel. Sous le choc, la terre au-dessus du cercueil se compacta, dégageant un espace suffisant pour permettre à Sigmon de s’accroupir. Sur ses pieds, les jambes fléchies, il contracta ses muscles.
Le temps ralentit quelque peu, pendant que des volutes de fumée noire, immatérielle, s’échappaient du corps du démon renaissant.

Puis il sauta.

Il traversa les trois mètres de terre sans même la toucher. L’énergie qu’il dégageait la vaporisait avant le contact physique.
En surface, le sol explosa. Les pierres fusaient en tous sens pendant qu’un corps jaillissait en tournant sur lui-même à une vitesse hallucinante. Il ralentit en arrivant au zénith de sa trajectoire. Il ralentit tellement que lorsqu’il fut au sommet de sa course, il parut flotter sur les airs l’espace d’un instant ; instant durant lequel Sigmon rayonnait d’une incroyable aura malfaisante, plus sombre que le noir, de la pure anti-lumière.
Les pressions atmosphériques et magiques autour de lui baissèrent brusquement, déclenchant un micro-cyclone thaumaturgique. Les vents d’Oblivion se déchaînèrent et hurlèrent, tout ce qui n’était pas assez lourd pour résister au souffle d’énergie s’envola et fut projeté plusieurs dizaines de mètres plus loin. Quelques arbres alentours se déracinèrent, incapables de résister, beaucoup subirent un violent élagage sauvage, tous eurent peur pour leur vie. Lorsque Sigmon atterrit, les jambes pliées, une main au sol, tel une bête, le brusque vacarme céda sa place à un silence tout aussi ébahi.
Il se releva lentement, le regard fixé au loin, le regard empli de haine, le regard… infernal.

Un léger rictus apparut sur ses lèvres puis éclata de rire. Pas d’un rire démoniaque, machiavélique, non non, un rire sincère, presque celui d’un enfant.

Sigmon pensa qu’il ne manquant plus qu’un peu de métal en fond sonore et il pourrait passer dans un de ses navets grand spectacle produit par Hollywood…

Il contempla le lieu où il était mort, le temps que son cerveau, encore mort cinq minutes plus tôt, essaye des réassembler les souvenirs…

Bon.
Il savait où il était…
Et il savait exactement où il devait aller. Il lui suffisait de suivre la piste. Celui qui lui avait demandé de revenir était passé ici récemment.

Malgré la plus terrifiante des rages brûlant en lui, un immense sourire se dessina à nouveau sur son visage impassible, presque engageant. Oh oui ! Il était passé ici et il s’était même adonné à des jeux que l’on interdit généralement aux jeunes humains avant la date fatidique des 6570 jours d’existence.

Il était nu, mais son corps avait finit de régénérer. La pourriture avait échangé sa place avec des muscles dopés par l’hormone de la colère satanique et le soleil couchant, rouge sang, l’inondait de sa lumière oppressante.

Il se mit en marche. Tromah attendait.
...


-Aujour'hui-

Sigmon avait marché, sans s'arrêter. Rien de ce qu'il avait pu voir ne lui avait donné envie de s'attarder. Ce monde qu'il avait connu, qu'il avait aimé n'était plus... qu'un fruit avarié, un halo de pourriture cerné par le Néant.
Ce n'était pas l'Apocalypse, loin de là. C'était bien pire. Il n'était plus question d'une quelconque guerre entre le Bien et le Mal. Aucun des de camps n'était parvenu à imposer sa domination sur cette réalité et jamais ils ne le pourront.
L'Equilibre avait été faussé.

Cette situation, Sigmon l'avait anticipé il y a longtemps et c'est pour cela qu'il était partit. Lui comme d'autres, qu'ils aient été démons, anges ou humains avaient préféré quitter ce monde dont les fondations se fissuraient...
...Et ils avaient eut raison !

Pourtant, Sigmon était là, de retour. Car, par dessus tout, il avait besoin de vivre, d’exister. Et puisque la Guerre Etern n’avait pas encore éclatée, c’est ici qu’il avait choisi de venir. Non pas pour se battre, ni pour changer un destin improbable. Non, il avait assez donné en son temps.

Il voulait juste s'amuser un peu...

Ici, sur le Mont de la Mort, dans cette Académie dont il venait de franchir les portes.

Lorsque resonnèrent les pas du centaure sur les dalles de l'édifice, Sigmon reconnue cette sensation étrange qu'il avait oublié. La joie ; qui grandissait en lui. Sa haine ne s'appaisa pas, mais il la tassa dans un coin de son esprit, le temps des retrouvailles.

Son fidèle sourire, sincère et engaeant apparut sur son visage quand son ami sortit de l'ombre. L'expression ahurie du centaure accentuant la bonne humeur maladive de Sigmon.

Ben alors gamin? Qu'est-ce qu'y t'arrive? On dirait que tu viens de voir un fantome!

... Sig réfléchit quelques instants puis fixa Tromah, l'air presque deçut.

...Attends... ne me dis pas que tu me croyais mort! Tué par un pauvre loupio galeux! Ce n'est pas comme ça que merite de trépasser un Général Infernal quand même!

Sigmon marcha jusqu'a son ami et lui passe un bras autour de l'épaule.

Tu sais quoi? Je vais tout te raconter, de ma "mort" à aujourd'hui... a condition que tu me paye un bon steack de poulet et un chope de la meilleur binouze de la maison... Le vieu démon se rappella une autre chose : son manque de vêtements ... et un futal s'il te plait... quoique tu dois pas en porter beaucoup

Ils étaient désormais sur le chemin de la taverne, marchant côtes à côtes...

"Hmm... A t'entendre, il semble que ton amour pour cet étrange végétal-qui-apporte-la-joie (je ne sais plus quel nom tu lui donne) ne se soit pas atténué." Dit-il avec un petit sourire en coin...

Ils étaient désormais devant les portes de la Débauche. Certainement que Kyo, et même peut-être les autres, les y rejoindrait, lui qui désirait également allé à la rencontre de Sigmon...

"Je ne pense pas que tu connaisse notre précieux barman. D'ailleurs, je ne sais pas où Karhl l'avait dégoté, mais c'est un "tueur". Je ne t'en dit pas plus... Suis-moi..."